Sur la nouvelle donne européenne et internationale

Publié le par desirsdavenir66

Discours de Ségolène Royal, prononcé lors de la convention du parti socialiste sur la nouvelle donne européenne et internationale le samedi 9 octobre.

 

"Chers amis, chers camarades,


Cher Laurent et Jean-Christophe, Harlem, Élisabeth et Hubert et vous, tous et toutes et les amis de nos délégations étrangères, je suis très heureuse de m’exprimer devant vous car la nouvelle donne internationale et européenne, l’objet de cette convention avec l’excellent texte, qui fait l’objet de nos débats autour de cinq idées fortes, nous réunit aujourd’hui.


Ce sujet fondamental touche à ce qu’il y a de plus essentiel dans la vie des peuples et des nations. En effet, la politique étrangère nous parle de paix et de guerre, de sécurité, de précarité, de prospérité et de misère. La politique étrangère nous parle aussi de l’un des plus vieux mythes de l’humanité, celui de Babel dans un monde contradictoire, divisé par des puissances que la politique doit organiser. Elle nous parle aussi du visage que nous offrons au monde avec la manière dont nous recevons l’autre dans notre intimité nationale et nous parle de promouvoir nos valeurs dans le respect et la reconnaissance de chacun. Elle nous parle de désir de maîtriser notre destinée, de notre liberté, de notre capacité de dire oui ou non, de délivrer un consentement ou un refus farouche à ce qui nous semble injuste et dangereux alors que ceux du pouvoir renvoient l’image d’un démocratie erratique, incohérente, sans noblesse et sans grandeur.


Notre rôle est de dire ce qu’est la politique étrangère de la France, ce qu’elle est devenue et celle qu’elle devrait être. Et au sein de l’Internationale Socialiste qui rassemble des représentants animés du même idéal, venant des pays riches ou des pays pauvres ou émergeants, les mots que je viens d’utiliser sont faibles par rapport à ce qu’on entend.


Et forte de cette expérience et des contacts internationaux, je voudrais vous dire deux ou trois choses par rapport à l’ensemble des travaux, pour donner deux ou trois éclairages particuliers.


D’abord vous dire que la politique étrangère, ce n’est pas une technique désincarnée, c’est un miroir de nous-mêmes et un reflet d’un projet de civilisation, c’est évident, la politique étrangère de la France est inséparable de ce que nous sommes, de notre identité et de nos valeurs.


Elle est forte si nous sommes forts, crédibles si nous sommes assurés. Et à ceux qui voient les relations internationales ou la construction européenne comme un jeu dont l’essentiel nous échapperait. A ceux qui se résignent à une forme d’impuissance, je voudrais qu’ils entendent notre message d’espoir, de volonté et de détermination :

L’efficacité de la politique étrangère dépend d’abord de ce que nous sommes et du projet de civilisation que nous portons.


C’est pourquoi une démocratie active, dynamique, capable de faire entendre la voix de la France, c’est d’abord une politique intérieure qui renvoie au monde l’image d’une société unie, forte, confiance et rayonnante.


C’est pourquoi une France divisée est une France affaiblie. Mais la France unie, c’est la France qui parle avec confiance, sans arrogance en Europe et dans le monde. C’est pourquoi une France appauvrie par le chacun pour soi est une France gagnée par le doute et le repli, une France qui rejette l’étranger, qui n’est plus respectée. A contrario une France qui partage équitablement ses richesses entre ses enfants, c’est la France qui renoue avec sa promesse républicaine.


On ne forge pas une diplomatie offensive avec des Gandrange, des Molex ou des Continental, ni avec des millions de personnes dans le rue pour sauver le fruit de leur travail, leur droit à la retraite avec des revenus décents.


On ne forge pas une diplomatie offensive avec la ghettoïsation des oubliés de la République. Clichy-sous-Bois, Argenteuil et d’autres sont très entendus par l’ambassade des États-Unis, plus présente que notre propre gouvernement.


La diplomatie prend son essor à partir de milles échanges que ces citoyens sécurisés et en confiance entretiennent avec le monde environnant. Elle se nourrit des petites et moyennes entreprises innovantes dans laquelle un ouvrier qualifié apprend l’anglais, qui forme les ouvriers aux technologies mise en œuvre par cette entreprise.


Je tire une leçon pour l’avenir : en affaiblissant le projet républicain de la France, en rompant avec une tradition d’accueil plus que bicentenaire, offrant le spectacle navrant de prisons délabrées, en ne dotant pas la France d’une politique efficace pour que ses entreprises innovantes s’engagent sur le marché actuel, le gouvernement a pris le risque d’affaiblir notre image dans des proportions inédites et indignes de la cinquième puissance mondiale.


Car la République exemplaire, nous la devons à nos efforts, et nous la devons aussi à ceux qui nous regardent, qui aiment tant la France et qui se désespèrent du spectacle qu’on offre aujourd’hui. On le doit à nos amis qui craignent le chemin que nos gouvernants nous font prendre.


Nous la devons aux militants des droits de l’homme, à Sakineh, à San Suu Kyi pour que vienne un espoir et puis aux organisations non gouvernementales qui après le demi-succès de Copenhague veulent que l’humanité devienne raisonnable.


Notre responsabilité, c’est de réaffirmer ce qu’est la France de manière simple et limpide, une République juste, intransigeante sur le respect de ses valeurs, une nation digne et ouverte, un pays entièrement engagé dans l'Europe.

 

Et aux pays et peuples amis et allié qui s’inquiètent, nous disons que les critères ethniques, ce n’est pas la France, nous disons que l’agressivité et le manque de respect à l’endroit de l'Union européenne, ce n’est pas la France, nous disons que les propos blessants sur l’homme africain pas encore entré dans l’histoire, ce n’est pas la France.


Et aux Français qui nous écoutent aujourd’hui et qui nous entendront demain nous disons notre volonté, nous socialistes, de rendre à notre pays la fierté et l’honneur d’appartenir à la France.


Nous voulons renouer avec une France de fraternité aujourd’hui affaiblie, nous voulons éprouver la fierté de retrouver la joie des retrouvailles avec nos amis en Afrique, au Maghreb. Volontairement à un projet collectif puissant, c’est le Brésil de Lula qui nous en donne le meilleur exemple.


Ce Brésil que l’on disait à bout de souffle, qui était prêt à basculer dans la misère totale au moment où Lula est arrivé aux responsabilités et qui est passé du 13 au 8e rang mondial !


Quand je rencontrais le président Lula en avril dernier, il me disait que ce dont il était le plus fier, et ce qui lui avait permis de faire levier à l’intérieur de son propre pays, mais aussi levier sur la présence du Brésil sur la scène internationale avec les mêmes valeurs, les mêmes idées, les mêmes principes, j’en retiendrai trois.


D’abord sa conviction profonde que le social est le facteur majeur du développement et de la croissance économique, c’est ce résultat extraordinaire qui lui a permis de sortir 20 millions de Brésiliens de la misère avec sa réforme des Bolsa Familia, des bourses qui sont données aux familles en précarité en échange de l’obligation éducative pour leurs enfants, mais aussi avec le relèvement des bas salaires et des petites retraites, il a réussi à redresser son pays.


Sa deuxième idée, c’est l’affirmation et la réhabilitation du rôle de l'État par la création d’un vrai capitalisme d’État et le voilà, lui, petit ouvrier, titulaire d’un seul CAP de tourneur-fraiseur, se retrouvant face aux banques, contrôlant la production des matières premières dans son pays.


Enfin la démocratie participative : rien ne s’est fait au Brésil sans cette conviction profonde que les réformes justes et durables ne peuvent pas se faire contre les peuples, mais avec le peuple. Et vous voyez que ce sont ces mêmes principes qui ont aussi forgé sa politique diplomatique et qui ont permis au Brésil de trouver pour la première fois une telle place à l’échelle de la planète et de s’ériger en puissance médiatrice dans plusieurs conflits du monde.


La politique étrangère doit être appuyée sur une vision stratégique : ceux qui ont oublié la France, ceux qui ont pensé ici à la tête de l'État à leur éphémère éclat politique avant de penser au bien commun, ceux- là ont dilapidé le crédit dont jouissait notre diplomatie.


Au lieu de garder un cap autour d’une vision et de valeurs à protéger, ils ont fait une politique de coup d’éclat qui a servi de paravent au vide de la réflexion stratégique.


Par exemple, l’avènement de l’union de la méditerranée, point d’orgue d’un 14 juillet auquel Bachar el Assad assistait, a été oublié. Dès lors que tout était sacrifiable sur l’autel du retentissement, plus rien n’avait de valeur, c’est cela l’histoire de notre diplomatie depuis 2007 et c’est celle d’un oubli de l’essence de la politique étrangère entendue comme une défense de notre indépendance.


Notre politique étrangère est devenue contradictoire, illisible et des décennies de patrimoine lentement accumulée par le gaullisme et la gauche ont été dilapidés.


Notre politique étrangère doit donc retrouver cette constance, cette force d’âme, cette conscience d’elle-même nécessaire pour refuser toutes les formes d’alignement, tous les conforts de pensée, toutes les réductions hâtives, et d’abord il faut cesser de défendre des positions à contretemps de l’histoire, la réintégration du commandement militaire de l’OTAN en est la preuve flagrante car nous avons a lors que le monde était en train de Basculer dans autre chose.


Nous devons être dans un mouvement d’ouverture.


Dans les années 60, le général de Gaulle avait saisi l’importance du pont entre le monde de l’Ouest et celui de l’Est cette attitude est plus pertinente que jamais car le monde a besoin de pays qui jouent le rôle de médiateurs, voire de recours politique et moral, cela vaut pour nous et pour l'Europe dans son ensemble. L’indépendance de la politique étrangère n’est pas destinée à flatter l’esprit cocardier, en évitant d’être marquée par l’assignation à un seul camp.


Plus que jamais il faut donc doter la France et l'Europe d’une vision politique et stratégique, ce à quoi s’emploie cette convention avec le texte qui a été adopté par les militants socialistes car les idéaux de paix, qui sont les nôtres aujourd’hui, ne sont pas des horizons qu’il faut invoquer au détour d’un discours, ils sont les fondements de notre puissance et de notre force. Nous parlons d’Europe de la défense, ce n’est pas qu’un dispositif militaire auquel nous pensons, mais un pilier fondé sur le droit, l’esprit de justice et l’indépendance.


C’est pourquoi nous devons, c’est une idée qui m’est chère, construire les États-Unis d’Europe.


Avec des institutions lisibles, reflets d’un gouvernement européen pour les peuples et par les peuples d’europe, mais surtout avec un projet politique de civilisation qui donne à l’Union la force d’être à la hauteur de ce que l’on attend d’elle dans un monde qui risquerait, sinon de précipiter sa marginalisation.


Pour terminer, je voudrais rappeler qu’en effet la politique étrangère est inséparable de ce que nous sommes et inséparable d’une manière de gouverner, une présidence qui échoue l’intérieur ne doit pas attendre de la politique étrangère qu’elle lui offre une quelconque excuse.


Celui qui divise à l’intérieur divise à l’extérieur, celui qui ne respecte rien à l’intérieur, ne respecte rien ni personne à l’extérieur, et c’est notre diplomatie tout entière qui s’en trouve affectée. Rien ne se bâtit sur la désinvolture et encore moins sur l’humiliation.

Tout se construit avec le sens du devoir à accomplir pour que l’histoire de France se remette en marche dans le bon sens, celui de la paix, de la justice, justice sans laquelle il n’y a pas de paix durable.


C’est avec ces lignes que nous reconstruirons une politique étrangère digne de la France et de l'Europe, et de la France dans le monde. Car n’oublions jamais notre devoir de fidélité à l’histoire, à l’histoire la France, grande histoire, certes pas uniforme, avec des moments sublimes et des abîmes et la grande lumière jamais éteinte de la Révolution française qui a donné au monde une constitution.


La France, c’est ce pays qui n’est jamais aussi grand que lorsqu’il l’est pour tous, la France, ce sont des valeurs exigeantes et belles, des valeurs universelles, qui rayonnent et que nous devons porter haut pour ne pas décevoir ceux qui ont foi en nous, et qui attendent tant de nous.


Chers amis, chers camarades, oui, nous le ferons !"

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